Benoît, accompagnant sexuel, confidences sur son activité

Benoît, accompagnant sexuel, confidences sur son activité

A la sortie du confinement, Benoît, 44 ans, masseur de formation, s’est découvert une nouvelle vocation : accompagnant sexuel, ou plutôt “intime”, de personnes handicapées. Il se confie sur une activité encore taboue en France. 

18 juillet 2022 • Par Clotilde Costil / Handicap.fr

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Handicap.fr : Quel est votre parcours ?

Benoit : Je travaille dans le domaine du bien-être et du soin à la personne depuis une vingtaine d’années. J’ai d’abord passé un diplôme d’esthétique et, au fil des ans, j’ai complété avec bon nombre de formations en massages de détente. Parallèlement, j’ai fait beaucoup de stages de développement personnel, avant tout pour moi, mais ça a fait évoluer ma perception, mon approche. Au final, ça m’a permis d’avoir un rapport différent au corps, à la personne, à la connexion à l’Autre.
Je me suis rapproché de l’Appas (Association pour la promotion de l’accompagnement sexuel) il y a quelques années. Tout d’abord via un entretien pour candidater à la formation pour devenir accompagnant sexuel, que j’ai suivie en 2021. Puis j’en ai profité pour proposer mon aide en tant que bénévole. Petit à petit, j’ai aidé là où c’était utile, jusqu’à devenir secrétaire. 

H.fr : Pourquoi avez-vous souhaité vous impliquer ? 


B : J’ai toujours été sensible à cette cause que je trouve particulièrement légitime, utile. J’étais tombé par hasard sur internet sur des témoignages qui m’avaient vraiment touché.

La Covid et particulièrement le confinement m’ont permis d’expérimenter concrètement l’empêchement d’être en relation, en connexion, en contact avec les autres. Et, surtout, j’ai réalisé l’impact sur moi-même alors que ce n’était que temporaire quand, pour tant d’autres, ces empêchements, difficultés ou limitations sont parfois à vie…

H.fr : Qu’est-ce que cela vous apporte ?


B : Me sentir utile, à ma place.

H.fr : Quelle formation avez-vous reçue au sein de l’Appas ?


B : Nous effectuons en premier lieu un travail de réflexion et d’introspection pour bien comprendre ce qu’est l’accompagnement sexuel et notamment adopter la bonne posture. Le but n’est pas de devenir le/la petite amie ni même de créer une relation intime mais d’accompagner dans la (re)découverte du corps, de l’image de soi/ de l’autre, de la sexualité, les ressentis corporels, les échanges…

Il y a notamment des partages d’expériences d’accompagnant(e)s mais aussi d’accompagné(e)s pour comprendre concrètement ce que peut être un accompagnement, même si à chaque fois c’est différent ; chaque personne arrive avec son histoire, ses besoins, ses perceptions, ses attentes, ses limites. 
On aborde également l’aspect juridique, la sexologie, les différents handicaps… C’est très riche, très complet et cela permet une introspection et une maturation afin d’arriver à la bonne posture, la bonne distance pour accompagner ces personnes.

H.fr : Comment se déroule une séance ? 


B : Après un premier contact téléphonique, l’accompagnant(e) rencontre la personne bénéficiaire afin de préparer la séance. Cet entretien préliminaire est primordial pour entendre les demandes et besoins spécifiques de la personne et voir ensemble ce que l’accompagnant(e) peut apporter comme réponse. Il ne s’agit pas de dérouler un protocole préétabli mais au contraire de créer sur mesure en fonction de la donne de départ, des demandes mais aussi du ressenti de l’accompagnant(e) et de ses limites. Au final, comme ça devrait être dans toute rencontre, quelle qu’elle soit, écouter l’autre, s’écouter soi et interagir librement dans le respect de chacun(e).

H.fr : Les séances sont-elles payantes ?


B : L’Appas se contente de former, de permettre une mise en relation et de suggérer un prix de base de 150 euros pour une séance d’une heure trente minimum. A chacun(e) de s’organiser et de trouver les bonnes modalités pour cette activité. Et, bien entendu, l’Appas ne perçoit pas un centime là-dessus. Cette rétribution est importante puisqu’elle permet de fixer les limites de cet accompagnement, qui n’est ni une relation amoureuse, ni une relation personnelle mais bien un service fourni avec bienveillance et humanité. Ça permet, selon moi, à l’accompagné(e) de ne pas se sentir redevable ni même assisté(e) ; par le paiement de cette prestation, elle reste libre et indépendante. 

H.fr : Intervenez-vous exclusivement auprès de femmes ?


B : J’interviens aussi bien auprès de femmes que d’hommes mais, pour moi, ce distinguo n’a que peu d’importance puisque chaque type d’accompagnement sera différent d’une personne à l’autre. Souvent, ces personnes sont habituées à des contacts uniquement médicaux, très techniques. L’intérêt, c’est de découvrir une autre forme de toucher, de présence et de partager un moment, des émotions, des sensations, des échanges multiples libres et spontanés. Les possibilités sont donc infinies et l’accompagnement ne doit pas simplement être réduit à l’acte sexuel. Ce n’est en rien un passage obligé, ni même une finalité. Il y a, par exemple, de nombreuses demandes en lien avec l’image de son corps, ça peut être simplement un échange de paroles, un contact corporel, une main posée sur l’épaule, un câlin, une caresse, un massage sensuel et parfois plus. Le but, c’est d’accompagner la personne dans cette exploration afin qu’à l’avenir elle devienne autonome et puisse, à son tour, rencontrer des personnes qui vont lui correspondre. Une à deux séances suffiront pour certains, quand, pour d’autres, cela nécessitera plus de temps. 

H.fr : Diriez-vous que les demandes d’accompagnement sont mixtes ou plutôt genrées (plus d’hommes que de femmes ou inversement) ?


B : Pour le moment, nous recevons beaucoup plus de demandes masculines. Il est difficile d’en connaître les raisons. Il me semble que c’est en général plus facile pour un homme d’exprimer une demande en ce sens que pour une femme. Ça vient aussi probablement du terme « accompagnement sexuel » qui est trop réducteur et sûrement peu parlant pour la plupart des femmes. Mais nous travaillons à mieux faire connaître notre action, notamment en clarifiant les choses ; le terme « accompagnement intime » me semble d’ailleurs plus pertinent.

Alors bienvenue aux femmes, aux hommes, aux personnes non-binaires, trans et autres sensibilités. De même, bienvenue à toutes les orientations sexuelles mais aussi aux personnes asexuelles !

H.fr : Pourquoi ne vous considérez-vous pas comme des travailleurs du sexe (TDS) ? Quelle différence ?


B : Le but, la finalité, la posture ! Même si certaines TDS ont une approche tout à fait similaire à l’accompagnement sexuel, la plupart du temps la recherche est un plaisir immédiat et si possible la fidélisation du client. Dans l’accompagnement, elle est tout autre comme je l’ai déjà expliqué. D’autre part, l’accompagnement sexuel n’est en aucun cas un métier ! C’est une activité secondaire, et il est très important que l’accompagnant(e) ne dépende pas de ces revenus pour vivre, ce qui permet de garder la bonne posture. 

H.fr : Que répondez-vous à ceux qui disent que l’accompagnement sexuel est assimilé à de la prostitution, ce qui est d’ailleurs le cas selon la loi française ?


B : Je pense avoir bien expliqué cette différence fondamentale de posture et de finalité. Espérons que cela sera compris et que les choses avanceront.

H.fr : Avez-vous constaté une augmentation des demandes depuis que vous exercez et peut-être une libération de la parole sur le sujet ?


B : Il y a effectivement une maturation progressive au sein de la société. C’est notamment la médiatisation qui permet aux personnes concernées de mûrir leur réflexion et, si c’est juste pour eux, d’aller frapper à la porte des associations. Il nous arrive d’être contactés par des sexologues ou psychologues qui cherchent des solutions pour certains patients ; c’est de plus en plus fréquent. L’accompagnement intime n’est pas la solution pour tout mais peut, pour certaines personnes, être une étape pour tendre vers plus d’autonomie et de liberté.

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