Le handicap, un enjeu de société [Cahiers français – N° 411]

Le handicap, un enjeu de société [Cahiers français – N° 411]

En cinquante ans, la situation des personnes en situation de handicap a bien changé. Leur insertion dans la société a fait des progrès considérables, le mot d’ordre étant aujourd’hui celui de la société inclusive. Néanmoins, la notion de handicap reste une notion mouvante, entourée d’un certain flou. Comment a évolué la politique du handicap en France ? Jusqu’où peut aller l’inclusion ? Que peut apporter la recherche publique ? Et où est finalement la frontière entre traitement médical et acceptation de la différence ? La revue des Cahiers français aborde les grands sujets qui nourrissent le débat public. Sa présentation agréable, la présence d’illustrations, de photographies et d’infographies, ses articles courts et accessibles, ses fiches pratiques et synthétiques ont pour but d’attirer un large public intéressé par les questions de société, d’économie et de politique.

Retrouvez l’article de François CROCHON, Sexologue clinicien et Directeur du CeRHeS® en pages 40/41…

  • Un droit opposable à la sexualité n’existe pas ; que disent les textes officiels au sujet de l’accès individuel à une vie affective et sexuelle des personnes en situation de handicap, notamment en établissement ?

L’avis N°118 du Comité Consultatif d’éthique a rappelé que la société n’est pas débitrice d’une créance pour garantir l’effectivité de la sexualité. Il s’agit donc d’un droit (liberté) fondamental, dans la lignée des droits humains inaliénables .

Aucun règlement intérieur ne peut interdire de façon les relations sexuelles au sein d’un établissement (Cour Administrative d’Appel Bordeaux 06/11/2012) et la chambre de l’usager est assimilable à son domicile.

Le principe est celui d’une approche inclusive centrée sur les droits de la personne en situation de handicap qui reste un citoyen, avec les même droit et les mêmes devoirs que nous tous. Même sous régime de protection (tutelle, curatelle), la personne peut entretenir librement des relations personnelles avec tout tiers, choisir sa contraception, etc. 

  • Quelle est aujourd’hui la réalité dans les établissements en France ? Les personnels sont-ils suffisamment formés ?

Les pratiques dans les établissements  restent encore disparates. Si de véritables progrès sont notables, la formation initiale et continue des professionnels doit être renforcée et dispensée par des professionnels qualifiés, tels que des sexologues ayant une bonne connaissance du handicap et de la réalité institutionnelle.

L’avènement de la nomenclature Serafin PH va imposer un véritable changement de paradigme :  il s’agira désormais de s’attacher aux attentes et besoins clairement identifiés, avec la Personne,   comme écarts à une norme d’activité ou de participation pour pouvoir en déduire les prestations en réponse.

La dimension de la vie intime, affective, familiale et sexuelle y est clairement repérée à de multiples niveaux et nécessite donc (enfin !) une prise en compte dans le cadre de chaque projet de vie personnalisé,  malgré le déni ou les résistances toujours d’actualité.

Enfin, l’éducation à la sexualité doit être systématiquement mis en place dans les établissements pour mineurs en situation de handicap.

  • Jusqu’où peuvent aller les paramédicaux dans l’accompagnement et l’assistance sexuels ?

Pour beaucoup de personnes en situation de handicap, l’accès à des pratiques sexuelles relève plus de la privation que de la frustration.

 L’exercice paramédical s’inscrit dans un cadre éthique borné par le cadre légal. Les soins doivent s’inscrire dans le cadre d’une approche intégrative, bio-psycho-sociale, telle que l’OMS définit la santé sexuelle et les droits sexuels [2002].

La personne en situation de handicap ne saurait se résumer à un être de besoin, elle doit passer du statut d’OBJET de soin à celui de SUJET de désir, à la fois désirable et désirante : quel que soit son âge, l’origine ou la nature de son handicap, c’est la personne qui vit une situation de handicap qui est experte de sa propre vie.

Ce sont les obstacles rencontrés dans son environnement pour la réalisation de ses choix de vie (y compris dans sa sexualité) qui définissent la situation de handicap. Il s’agira donc de les éradiquer en mettant en œuvre des éléments facilitateurs à travers des aides médicamenteuses, matérielles ou humaines.

En matière de sexualité, s’il n’y a pas d’obligation de résultat, il y a toujours une obligation de moyens pour les équipes transdisciplinaires.

  • L’autre sujet très discuté est la parentalité des personnes handicapées. Pourquoi fait-il toujours débat ?

L’accès à la parentalité semble représenter le dernier tabou ; il cristallise malaise,  craintes et stéréotypes péjoratifs, car le handicap reste un miroir qui renvoie aux personnes dites valides un reflet à la fois fascinant et inquiétant [KORFF-SAUSSE 1996].

En  droit, les actes relatifs à l’autorité parentale impliquent un consentement strictement personnel  qui ne peut jamais donner lieu à assistance ou représentation de la personne protégée (Art 458 du code civil).

Toutefois, les professionnels restent confrontés au processus d’hypernormalisation décrit par COPPIN [2007] : les exigences des travailleurs sociaux se révélant souvent plus importantes lorsqu’ils ont affaire à des personnes en difficulté. Tout se passe comme si, parce qu’il y a des difficultés potentielles (effet d’attente), le niveau d’exigence devait être supérieur.

Il est temps de passer d’un regard qui dévisage (les problèmes) à un regard qui envisage (ensemble, des solutions)…

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