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Publication d’un projet de programme d’éducation à la sexualité à l’école

Article complet de Sophie Hienard, publié le 15/03/2024 à lire sur le site duPoint…

Le Conseil supérieur des programmes a publié un projet d’éducation à la sexualité, allant de la maternelle à la terminale. Le fruit de plusieurs mois de travail et d’auditions.

Neuf mois. C’est le temps qui s’est écoulé entre la saisine du Conseil supérieur des programmes et la publication finale du projet d’éducation à la sexualité. Soixante-cinq pages de propositions, qui couvrent l’ensemble des classes, de la maternelle au lycée, et abordent la vie affective, relationnelle et sexuelle par étapes. C’est la première fois que l’instance indépendante, en charge de projets de programme au sein du ministère de l’Éducation nationale, est appelée à se prononcer sur la question.

Prévue en janvier, la sortie a été repoussée à plusieurs reprises en raison des changements successifs de ministres. L’élaboration du programme a duré six mois. « Et si on avait eu plus de temps encore, on l’aurait pris », sourit Frank Burbage, inspecteur général de philosophie. Ce dernier a piloté le projet aux côtés de Caroline Moreau-Fauvarque, inspectrice générale de Sciences et Vie de la Terre. Et autour d’eux, une quinzaine de personnels de l’Éducation nationale du primaire et du secondaire, ainsi que des professionnels de santé.

Rentrée scolaire à l’école primaire Pierre-Mendès-France de Quevreville-la-Poterie (76), le 1er septembre 2022.  © ANDBZ / ANDBZ/ABACA

Une équipe à l’expertise large qui préfigure l’esprit du programme. « Interdisciplinaire, avant tout », insiste l’inspecteur général. Les propositions balayent de nombreuses matières du français à l’éducation physique et sportive en passant par la SVT. C’est toute l’ambition du projet, d’après Frank Burbage : « Le rôle de l’école est d’apporter des éléments de réflexion et de culture au sens très large, des sciences aux humanités. » Et d’inscrire aussi la sexualité dans un champ plus large que celui de la seule prévention des risques. « Il nous a semblé important d’avoir une approche positive de la sexualité et, par exemple, de faire une place à la notion de plaisir, explique-t-il. Bien sûr, les questions sanitaires sur les risques et les infections sexuellement transmissibles, ou encore les grossesses non désirées, restent abordées. »

Outil de lutte contre les inégalités

Trois questions émaillent l’ensemble de la scolarité. « Comment vivre et grandir, sereinement, avec son corps ? Comment construire avec les autres des relations respectueuses et s’y épanouir ? Comment trouver sa place dans la société, y devenir une personne libre et responsable ? » peut-on lire dans le programme. Des mots choisis avec soin, tant le sujet peut être clivant. « Il nous fallait trouver les formulations les plus justes, pour que le programme soit acceptable par tous, explique Mark Sherringham, président du Conseil supérieur des programmes. Même si on n’y arrive jamais complètement. »

« Une certaine souplesse »

L’approche se veut très progressive et se divise en deux grandes étapes : une « éducation à la vie affective et relationnelle » de l’école maternelle au CE2, puis une « éducation à la vie affective, relationnelle et à la sexualité » du CM1 à la terminale, en passant par le collège. « Dans la progressivité, il y a à la fois l’idée d’une continuité pédagogique, autour des grands axes travaillés sur l’ensemble de la scolarité, et la volonté d’étapes et de différences entre les niveaux, adaptées à l’âge des élèves », souligne Frank Burbage, copilote du groupe en charge de l’élaboration du programme.

Toute la difficulté résulte dans le moment choisi pour aborder ces notions. « Par exemple, quand faut-il parler de la pornographie ? interroge Frank Burbage. Des études montrent que l’exposition aux images pornographiques se fait de plus en plus tôt. Néanmoins, nous avons décidé de réserver ce thème pour la quatrième, car des élèves trop jeunes manqueraient de maturité. » De la même manière, la puberté et les transformations du corps sont abordées à partir du CM1. « Nous avons tenu compte des expertises des médecins qui nous ont confirmé que la puberté était de plus en plus précoce, en particulier pour les jeunes filles, dans certains territoires. » Dans la pratique, les équipes pédagogiques pourront aviser et décider d’aborder ces notions plus tard. L’inspecteur général l’assure : « il faut que le programme garde une certaine souplesse. »

Au-delà du corps enseignant, les personnels de vie scolaire et les médecins et psychologues présents dans l’établissement seront aussi impliqués. Des associations extérieures, aux compétences « reconnues et agréées », pourront également intervenir en présence d’un ou plusieurs professeurs responsables. Ces séances ne devront jamais être « instrumentalis[ées] au profit d’une cause militante ou d’une idéologie », précise le Conseil supérieur des programmes, dans la présentation de son projet. Mark Sherringham le justifie : « C’est aussi ça, le sens de la laïcité. C’est important qu’à l’école, on mette justement à distance des positions militantes portées par des associations de tous bords ».

Le programme s’adapte aussi aux enjeux de l’époque, évoquant les notions de respect mutuel et de consentement, la lutte contre les discriminations et les violences sexuelles. Une volonté qui s’est traduite dès les débuts du projet en juin dernier. Lors de son passage à la rue de Grenelle, Pap Ndiaye entendait accorder « une place particulière à l’égalité filles-garçons, à la lutte contre toutes les formes de discriminations liées à l’identité de genre ou à l’orientation sexuelle réelle ou supposée, ainsi qu’à la notion de consentement ».

L’ancien ministre avait alors réaffirmé « la nécessité de rendre plus effective » l’application de la loi de 2001. Si cette dernière prévoit trois séances obligatoires d’éducation à la sexualité par an, du CP à la terminale, seule une minorité d’élèves en bénéficient réellement. D’après l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche, ils n’étaient que 15 % d’écoliers et de lycéens et moins de 20 % de collégiens à assister aux sessions d’éducation à la sexualité en 2021. Cette réalisation disparate de la loi de 2001 avait également été pointée du doigt par le Planning familial, SOS Homophobie et Sidaction. Ces associations avaient alors saisi le tribunal administratif de Paris, pour « faire reconnaître la responsabilité de l’État dans le défaut de mise en œuvre ».

L’instauration d’un programme permettra-t-elle une application plus effective de la loi ? Il faudra attendre son éventuelle mise en place pour en juger. La décision finale dépendra de la Rue de Grenelle. Contacté, le ministère de l’Éducation indique que le projet fait actuellement l’objet d’une consultation, avant une potentielle mise en œuvre à la rentrée 2024.

Télécharger la lettre de saisine du 23 juin 2023

Consulter la composition du GEPP

Télécharger le projet de programme d’éducation à la sexualité

Article complet de Sophie Hienard, publié le 15/03/2024 à lire sur le site duPoint…

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