Témoignage : “À la découverte d’un continent inconnu”, autistes, ils racontent leur rapport à la sexualité

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Parler de sa sexualité. Un sujet souvent tabou. Malgré leur handicap, Nathalie et Benjamin ont accepté d’évoquer ce sujet dans leurs couples à l’occasion de la journée mondiale de la santé sexuelle. Nathalie a du mal à ce que l’on touche certaines parties de son corps, mais a réussi à s’épanouir sexuellement grâce à l’écoute de son conjoint. Benjamin, autiste également, ne ressent pas lui, le besoin d’avoir de sexualité.

“On a redessiné la cartographie de mon corps. Toutes les zones érogènes et la manière de les stimuler”, confie Nathalie, autiste. À 55 ans, cette habitante du Jura est épanouie dans sa sexualité avec son époux, non autiste.

Son trouble autistique fait qu’il est difficile pour Nathalie que l’on touche certaines parties de son corps. “J’ai découvert que c’était lié à l’autisme. Il y a une hypersensibilité. Par exemple, je n’aime pas les effleurements, je préfère qu’on me serre fort”, confie-t-elle. Elle ajoute : “Quand on est autiste et même quand on ne l’est pas, il faut apprendre à se connaître”.

Avant d’arriver à être complètement à l’aise, le couple a dû prendre ses marques. Essayer des choses. Lorsqu’elle ne se sentait pas bien, son mari le comprenait. Elle le verbalisait d’elle-même, sentant son corps en tension, et il s’adaptait.

Écouter et s’adapter

Pour Nathalie, l’écoute de son mari a été essentielle dans son épanouissement : “Je ne suis bien qu’avec lui. Je n’aimais pas trop que mon ex-mari me touche ou me fasse des massages par exemple. Lui, il sait vraiment quelles parties de mon corps, il peut toucher”. Ils ont fêté cette année leurs 18 ans de vie commune et leurs 12 ans de mariage. 

Pour la quinquagénaire, la sexualité n’est pas un besoin, mais plutôt une envie. Elle la vit avec son conjoint comme “une prolongation de nos câlins”.

“On fait des choses plus douces”

Nathalie est aussi atteinte de plusieurs maladies chroniques et génétiques. Elle souffre de tremblements et du syndrome Ehlers Danlos, une anomalie rare du tissu conjonctif d’origine héréditaire caractérisée par une hyperextensibilité de la peau. 

Elle a aussi subi une hystérectomie en 2021. Suite à cette opération, sa sexualité a été bouleversée : “On a eu beaucoup de mal à reprendre une sexualité parce qu’il avait peur de me faire mal. Donc pendant une période, il n’osait plus me toucher. C’est moi qui suis finalement allée vers lui et on a repris tout doucement”

Depuis cette opération, le couple a changé durablement sa sexualité. “On fait des choses plus douces, moins douloureuses et moins fatigantes pour moi”. Au début, Nathalie a ressenti un peu de culpabilité, mais celle-ci s’est estompée avec le temps. “J’avais peur de tout cela, mais il m’a dit qu’au contraire, il aimait beaucoup comme on est maintenant”

Un blocage lié à son handicap

Contrairement à Nathalie, Benjamin, 35 ans, ressent plus de difficultés à parler de sa sexualité. “C’est un sujet avec lequel je n’ai jamais été trop à l’aise”, souffle Benjamin, autiste également vivant à Besançon. “J’ai l’impression que ça ne me fait pas la même chose qu’aux autres”.

Le trentenaire pense que son désintérêt pour les relations sexuelles est en partie lié à son handicap. “J’ai beaucoup d’anxiété et de manque de confiance en moi et j’ai l’impression que dans ce domaine, c’est important.” Plus jeune, la question de la séduction le mettait dans de grands états de stress. “Ça me bloquait déjà pour aborder quelqu’un”

Lorsqu’il avait 18 ans, Benjamin a entendu parler de sexualité sous un aspect assez négatif. “Les personnes les plus proches que j’ai connues, mes amis, ont subi des violences sexuelles. Donc, je pense que ça a bloqué quelque chose dans ma tête”.

“Je ne ressens pas un grand besoin”

En dehors de la question du handicap et des mauvaises expériences, Benjamin, ne dit pas ressentir un intérêt incroyable pour cette question. “Aujourd’hui, je le vois moins comme quelque chose de totalement négatif, mais en moi, je ne ressens pas un grand besoin de vivre cela”, livre l’homme originaire du Doubs.

Désormais, ce qui lui donne le plus de soucis sur ce sujet, c’est son couple. “J’ai un peu peur de faire souffrir la personne avec qui je suis parce que c’est quelque chose avec lequel je ne me sens pas encore à l’aise et ça me stresse toujours”, confie-t-il.

En relation depuis quatre ans avec sa conjointe, Benjamin ressent toujours une forme d’anxiété par rapport à sa sexualité. Sa copine, également en situation de handicap, ne vit pas très bien l’absence de relation sexuelle dans son couple. “Ce n’est pas facile pour elle, après elle ne le dit pas beaucoup. On essaye d’en parler des fois, mais ce n’est pas une forceuse”.

Pour autant, Benjamin reste ouvert à une évolution. “On ne sait pas ce qui se passe dans l’avenir”, commente-t-il. Il aimerait peut-être avoir des enfants. “Après, on peut voir autrement si ça bloque totalement”.

 Sexualité et handicap : un tabou pour l’entourage

Jan Kašník est doctorant en sociologie et études de genre à l’université de Paris 8. Il travaille sur le handicap mental et la sexualité. Selon lui, il y a un grand tabou sur ce sujet. “Pour l’entourage, c’est-à-dire les parents et les professionnels, il y a un peu l’impression que la sexualité n’existe pas chez les personnes en situation de handicap”. Il ajoute et nuance : “Il y a aussi le souci de bien accompagner et de ne pas savoir faire pour bien accompagner la sexualité de la personne”.

La sexualité se développe chez tout le monde. Mais la différence, c’est que dans le handicap mental, il est difficile de verbaliser ses désirs. La notion de consentement est très compliquée.Jan Kašník, doctorant en sociologie et études de genre à l’université de Paris 8

Le tabou autour de la sexualité pose particulièrement un problème lorsqu’il s’agit d’éduquer les personnes en situation de handicap mental sur le sujet : “C’est un sujet que l’on évoque ni à la maison, ni à l’école, ni au travail. Ce que j’entends souvent, c’est : oui, c’est important d’en parler, mais pas ici”.

Les dangers du non-dit

Les personnes se retrouvent donc fréquemment livrées à elles-mêmes et cela peut s’avérer dangereux. “Une femme en situation de handicap a deux fois plus de chance d’être victime d’agressions sexuelles par rapport à une femme valide”, informe l’universitaire.

Au-delà du simple non-dit, la sexualité est fréquemment présentée aux personnes en situation de handicap comme quelque chose de négatif : “On associe la sexualité à la maladie et au risque. On insiste beaucoup auprès des femmes en situation de handicap sur les risques de tomber enceinte, de tomber malade”. Selon Jan, le rôle de l’entourage est donc central. Si la personne peut bénéficier d’un réseau familial et professionnel ouvert sur la question, cela ne peut être que bénéfique.

Pour le doctorant, développer l’éducation sexuelle pour les personnes en situation de handicap est central. “Souvent, on peut penser que la famille protège, mais force est de constater qu’une très grande majorité de ces agressions se passent dans les familles ou alors dans le travail, les foyers ou les ESAT [Établissement et service d’accompagnement par le travail]. Il est essentiel de leur expliquer qu’ils sont en droit de ne pas être touché. “Surtout pour des personnes à qui on a toujours choisi, les vêtements, etc”.

Aller vers un meilleur accompagnement

Au Mexique, Jan a connu un couple en situation de handicap qui a eu des enfants. “Ça arrive, même si ce n’est pas très souvent. C’est assez mal accompagné au niveau des politiques publiques”. Selon lui, c’est bien d’accorder des droits, mais ça ne suffit pas. Il faut aussi mettre en place des politiques publiques qui accompagnent les personnes au lieu de rejeter toute la responsabilité sur la famille ou les structures.

Jan pense que la société n’est pas assez ouverte sur la sexualité et que cela marginalise les personnes en situation de handicap. “On reconnaît leur existence, mais est-ce qu’elles sont pleinement incluses ? Je ne pense pas. On leur demande des efforts, on leur demande de s’adapter, mais cette inclusion devrait aller dans les deux sens. C’est aussi à la société de s’adapter et de changer”

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