« Sexotopie », un programme dédié à la santé sexuelle des personnes atteintes de troubles psy

« Sexotopie », un programme dédié à la santé sexuelle des personnes atteintes de troubles psy

Lire l’article d’Audrey PARVAIS sur le site infirmiers.com…

Le centre hospitalier du Vinatier, à Lyon, a mis en place un programme psychoéducatif sur la santé sexuelle et affective en psychiatrie. Impulsé par une infirmière, il s’adresse aux personnes atteintes de troubles psychiatriques et entend les aider à mieux comprendre leur vie intime.

groupe de parole, personnes assises

Crédit photo : VOISIN/PHANIE

« La lecture de l’autre est compliquée. » Et encore plus quand on souffre de troubles psychiatriques ou psychologiques, qui peuvent entraîner de fait une forte solitude affective chez ceux qui en sont atteints et les empêcher d’avoir une vie sexuelle épanouie. Le programme « Sexotopie » mis en place au centre hospitalier du Vinatier (Lyon) en unité non sectorisée entend informer les personnes qui en souffrent sur la santé sexuelle et, surtout, les rassurer. Imaginé entre autres par Barbara Durand, infirmière au Centre de réhabilitation de psychoéducation Pinel, il s’agit d’un programme psycho-éducatif qui se décline en « 8 séances de 3 heures, avec 8 participants » et animé par un binôme infirmier/ergothérapeute. « Les sessions sont mixtes, l’idée étant d’ouvrir un sas, qu’on puisse parler » de la vie affective et sexuelle sans tabou et en toute bienveillance, explique l’infirmière lors de son intervention au séminaire de recherche « Handicap & Sexualité »*. Car la santé sexuelle est souvent largement négligée dans la prise en soin, ce qui n’encourage pas les patients à en parler.

Un entretien préalable mené en amont des sessions

Le programme, poursuit-elle, n’est pas dédié à une seule pathologie, mais un entretien préalable avec les potentiels futurs participants est quand même réalisé en amont. « Ce qui est bien, c’est que ce sont les usagers qui nous contactent. On les reçoit pour leur présenter le programme, on les rassure sur le fait qu’on n’y parlera pas de leur cas personnel », détaille l’infirmière. L’entretien sert également à aborder des sujets plus intimes – le ou la patient(e) a-t-il/elle été victime de harcèlement sexuel ? A-t-il/elle vécu un épisode traumatique ? – , afin de déterminer si le programme est adapté à la situation spécifique de chaque patient. « Il arrive que la situation demande une prise en charge individuelle ou que les troubles intellectuels soient trop forts. » Il est ainsi par exemple contre-indiqué pour les personnes qui souffrent de troubles du développement intellectuel, d’addiction au sexe, pour les auteurs d’agression sexuelle ou pour tous ceux qui présentent des traits sociopathiques ou psychopathiques. « Ce qui est incroyable, c’est que vraiment ils se confient. Si vous ouvrez ce temps de dialogue, ils vont parler » de leurs difficultés, souligne l’infirmière. L’unité n’étant pas sectorisée, le groupe peut accueillir des personnes qui viennent d’autres hôpitaux, voire d’autres régions.

74% des personnes que je reçois ont connu soit de la discrimination, soit du harcèlement ou une agression ou un viol, qui mettent à mal leur estime de soi, leur relation à l’autre.

8 séances pour 8 thématiques sur la santé sexuelle

Et concrètement, comment cela se déroule-t-il ? « Chaque séance aborde un thème », explique Barbara Durand. Les deux premières sont ainsi consacrées à définir la et les sexualités, les troisième et quatrième portent sur la relation à l’autre, explorée à travers des jeux de rôle pour aborder le sujet de la rencontre, une seconde partie étant dédiée au consentement. « 74% des personnes que je reçois ont connu soit de la discrimination, soit du harcèlement ou une agression ou un viol, qui mettent à mal leur estime de soi, leur relation à l’autre », fait-elle savoir. La cinquième séance se construit autour de la physiologie, des pratiques sexuelles et zones érogènes. Ce n’est qu’au cours de la sixième séance que sont évoqués les troubles sexuels. « On y fait le lien entre ces troubles et les traitements », certains pouvant en être à l’origine. L’infirmière souligne d’ailleurs la lucidité et la capacité de compréhension des patients face à leurs difficultés : « Très vite, ils savent que les symptômes de leur pathologie rendent la relation à l’autre très compliquée. »

La septième séance, elle, permet d’informer sur les infections sexuellement transmissibles, un sujet d’autant plus critique que beaucoup, s’ils connaissent les moyens de protection, n’y ont souvent pas recours, et sur les conduites à risque, en lien avec leurs troubles psychiques. Enfin, la dernière séance leur sert à identifier les ressources qu’ils peuvent solliciter sur les questions relatives à leur santé sexuelle : centres spécialisés, associations telles que les centres ressources IntimAgir ou le Planning familial.

Beaucoup pensent que, du fait de leur pathologie, ils n’ont pas droit à une vie affective et sexuelle saine et épanouissante.

Un programme qui répond aux inquiétudes des patients

Le programme se veut avant tout un temps d’échange qui permet aussi de rassurer les personnes qui souffrent de troubles psychiatriques ou psychologiques. Confrontés aux troubles de traitement de l’information (qui provoquent des difficultés à échanger, à collaborer en groupe, à initier, organiser ou planifier), aux troubles schizophréniques, qui engendrent du stress ou poussent à s’isoler, ou encore aux troubles de l’humeur et leur cortège de problèmes de mémoire ou d’attention, sources de perte d’estime de soi ou d’auto-stigmatisation, les patients ne développent pas une sexualité épanouie. «Ils présentent moins d’intérêt ou d’engagement, se livrent plus souvent à des pratiques auto-érotiques, des conduites à risques ou sont plus susceptibles de s’impliquer dans des “relations malsaines”. Beaucoup pensent que, du fait de leur pathologie, ils n’ont pas droit à une vie affective et sexuelle saine et épanouissante. Ils n’arrivent pas à avoir confiance en l’autre, à aborder un homme ou une femme qui leur plaît, ils peuvent se sentir complexé ou rejeté », prévient l’infirmière.

En libérant la parole, le programme « Sexotopie » entend les aider à « sortir d’un désert affectif, à dépasser la peur de la première fois » ou encore à « trouver de l’aide et du soutien pour ne plus se mettre en danger. » Globalement, les patients « améliorent à peu près tout » à l’issue des 8 séances : capacité à être en relation et à faire le lien avec l’environnement. Et pour les professionnels de santé qui souhaiteraient « enfin prendre en charge la santé sexuelle », le programme inclut un accompagnement dédié.

Lire l’article d’Audrey PARVAIS sur le site infirmiers.com…

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