Handicap et sexualité sont-ils compatibles ? « Ils ne veulent pas ‘mourir idiot’, ils souhaitent avoir accès à la sexualité »

Handicap et sexualité sont-ils compatibles ? « Ils ne veulent pas ‘mourir idiot’, ils souhaitent avoir accès à la sexualité »

Dans cet épisode de l’amour au pluriel, Paris-Match Belgique a choisi de s’intéresser à la sexualité des personnes en situation de handicap et plus particulièrement à l’accompagnement sexuel.

Anabelle Cermeno | Publié le 15 juillet 2022 | Mis à jour le 26 juillet 2022

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Jusqu’il y a peu, la sexualité des personnes en situation de handicap était un sujet tabou. En effet, de nombreux préjugés circulent comme le fait qu’ils n’auraient pas de désir. Ces préjugés tenaces enferment ces personnes dans la solitude et la frustration.

Découvrez la campagne « Undressing Disability » à ce sujet :

Entretien avec Alain Joret de l’association Aditi WB

En Belgique, active depuis 2008 en Flandres et depuis 2014 en Wallonie, l’association Aditi WB oeuvre dans l’accompagnement sexuel. Nous avons rencontré Alain Joret pour qu’il nous parle de la démarche de l’assocation.

Pouvez-vous nous expliquer brièvement le but de l’association ?

Aditi WB est une association francophone en Belgique qui est le pendant d’Aditi association néerlandophone et tous les deux, nous poursuivons l’objectif de donner des réponses concrètesaux personnes en situation de handicap ou de perte d’autonomie de manière générale sur le plan de la sexualité.

Quel est le statut des accompagnants en Belgique ?

On travaille actuellement sur le statut. En Belgique, une révision du code pénale autour des questions de sexualité est en train d’être faite. On a redéfini le proxénétisme, c’était ce qui nous gênait encore un peu par rapport à ce qu’on faisait. Aujourd’hui, plus aucun intermédiaire, s’il n’est pas un exploiteur de travailleurs du sexe, ne peut être considéré comme proxénète.

Il n’y a pour le moment pas de statut, ils sont travailleurs du sexe comme d’autres travailleurs du sexe et c’est à eux de choisir dans quelle case légale, ils s’inscrivent pour pratiquer leur activité. Il faut savoir que l’accompagnement sexuel, n’est jamais une activité principale. L’accompagnant sexuel doit avoir d’autres revenus, une autre activité pour nous rejoindre.

Vous donnez également des formations. Est-ce que ce sont des formations aussi poussées qu’en Suisse où il existe un cursus d’accompagnant sexuel ?

C’est un objectif qu’on aimerait atteindre. Aujourd’hui, les moyens d’Aditi WB sont assez réduits, en équipe et en temps de travail et les accompagnants sont seulement en cours de reconnaissance dans le pays donc ce n’est pas si simple. Pour le moment, on n’a pas un cursus long préalable. Quand c’est possible – qu’il y a assez de candidats-, on a deux journées de formations préalables qui sont proposés aux accompagnants. Et sinon, il y a une formation continuée qui se passe 4 jours par an et les nouveaux s’intègrent dans ce schéma-là. Un nouvel accompagnant ne va travailler qu’après un certain temps de formation de façon à ce que le service soit de qualité. Ce qui est très important dans la formation est le temps d’intervision où ils peuvent échanger entre eux et elles sur leurs pratiques et les difficultés qu’ils et elles rencontrent.

Quelle est la posture de l’accompagnant sexuel ?

Il ne s’occupe pas des personnes, il les accompagne. Tout est fait à la demande de la personne et celle-ci est analysée par ma collègue et donc ce n’est pas tant s’occuper d’elle que d’être à son écoute, répondre à sa demande et comprendre ses besoins.

Quelles sont les démarches pour bénéficier d’un accompagnement sexuel ?

La personne accompagnée de sa famille ou de professionnels prend contact avec nous par téléphone ou par mail. Ma collègue va lui proposer un premier entretien d’analyse de sa demande, elle va bien lui expliquer le cadre dans lequel ça se passe et elle va préciser avec la personne ce qu’elle souhaite pour bien cerner quelle est cette demande.
À partir de ce moment, elle va transmettre la demande à l’un ou l’une accompagnante qui sera le plus apte à répondre à cette demande. L’accompagnant prend alors contact avec la personne et ils ont ou pas des échanges sexuels la première fois, c’est en fonction de ce que la personne souhaite.
Après le premier rendez-vous, on attend un retour de la personne et de l’accompagnant et si tout va bien, ils continuent à prendre rendez-vous ensemble sans passer par nous.

Voyez-vous une amélioration de l’état général et du bien-être des patients qui ont recours à cet accompagnement ?

Il y a plein d’effets, cela dépend des demandes. Pour un grand nombre de demandes, ils ne veulent pas « mourir idiot », ils souhaitent avoir accès à la sexualité, et là, déjà souvent, la première rencontre est épanouissante, car une dimension de la vie qui leur était inaccessible peut être vécu.
Certaines demandes émanent de jeunes, par exemple, déficients intellectuels qui vont avoir besoin de découvrir comment vivre leur sexualité avec l’autre. L’un des résultats, c’est que quelques mois après, ils ont rencontré un ami et sont en couple. Ces personnes peuvent se montrer malheureuses, très stressées, très agressives, car cette sexualité les travaille, alors on voit ces personnes s’apaiser.
Nous recevons des demandes de personnes accidentées qui, elles, doivent apprendre à revivre leur sexualité.
Nous proposons aussi une série d’aides à la masturbation pour les personnes qui ont un corps ou un esprit qui ne leur permet pas de se masturber de manière agréable ou autonome. Il y a également des aides à des couples, en général avec un handicap physique, mais qui ne peuvent pas avoir de moment d’intimité sans une aide physique, car leurs corps, ils ne savent pas l’utiliser convenablement.

Au niveau sociétal, est-ce que des choses sont faites pour enrayer le tabou de la sexualité des personnes porteuses d’un handicap ?

On y travaille déjà beaucoup avec par exemple le Salon « EnVIE d’amour » organisé par l’AVIQ qui est un moment de retrouvailles et de rencontres pour toutes les institutions et les personnes handicapées avec des informations en tous genres sur l’amour, la sexualité. Car il n’y a pas que l’accompagnement sexuel qui n’est qu’une des formes de réponse.

Il y a également l’amour en institution, le fait de rencontrer quelqu’un si on est handicapé et que le handicap nous limite. Il y a énormément de projets.
Cette année, on a eu 6000 visiteurs en 3 jours, le tabou est en train de bouger pas mal, il y a aussi énormément de formations pour les travailleurs du secteur. Il n’y peut-être pas encore assez de choses pour les parents, qu’ils puissent être écoutés, être entendus, aussi familiarisés avec cette question qui est difficile, en tant que parents, on n’a pas trop envie de se mêler de la sexualité de nos enfants.

Combien compte-t-on en Belgique d’accompagnés et d’accompagnants sexuels ?

La Flandre a pas mal d’avance. Une centaine de nouvelles demandes chaque année et nous travaillons avec une vingtaine d’accompagnants. Et en Flandre, il y a 300-400 nouvelles demandes chaque année et ils sont plus de 100 accompagnants. Aussi, ce qu’il y a, c’est que jusqu’aujourd’hui, on ne pouvait pas trop non plus recruter, on ne pouvait pas trop faire savoir qu’on engageait des personnes comme accompagnants sexuels et aujourd’hui, avec le changement de loi, on peut.

Pour aller plus loin :

« The Session » réalisé par Ben Lewin
Le film retrace l’histoire vraie du poète et journaliste Mark O’Brien. Victime d’une attaque de poliomyélite dans l’enfance, il passe la majeure partie de son temps allongé dans un poumon d’acier. Sa rencontre avec une assistante sexuelle va lui permettre d’aimer.

« L’assistance sexuelle aux personnes en situation de handicap – Touché » réalisé par BENITO (Benjamin Wilputte documentaire)

Le reportage a pour but d’introduire un débat pour sensibiliser à l’existence d’une sexualité chez les personnes en situation de handicap. Des mesures sont en cours en Belgique, afin de légaliser la profession (car la frontière entre l’assistance sexuelle et la prostitution est mince), et ce reportage pourra également servir d’outil pédagogique ou mieux encore, initier le développement d’un véritable documentaire sur le sujet.

« Because of My Body » réalisé par Francesco Cannavà
Le documentaire raconte l’initiation à la sensualité de Claudia, 21 ans, atteinte de spina-bifida. De séance en séance auprès de Marco, assistant sexuel, la jeune femme va partir à la découverte de sa sexualité.

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