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Thèse intégrale de David SIMARD

Description

De décembre 2014 à novembre 2019, David SIMARD a préparé une thèse de philosophie au sein de l’école doctorale Cultures et Sociétés de l’Université Paris-Est, sous la direction de Roberto Poma, en étant rattaché à l’unité de recherche Lettres, Idées, Savoirs (LIS – EA 4395) de l’Université Paris Est – Créteil (UPEC).

La soutenance de sa thèse s’est tenue le 25 novembre 2019 à l’UPEC, à l’issue de laquelle il a obtenu le grade de docteur.

Titre / Title : La santé sexuelle, genèse et usages d’un concept. Étude d’épistémologie historique, XIXe – XXIe siècles / Sexual Health: Genesis and Uses of a Concept, Study of Historical Epistemology, 19th – 21st centuries.

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Résumé / Abstract :

Français

Le concept de santé sexuelle a été institutionnalisé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans les années 1970, alors que s’accroissaient les controverses entre la psychanalyse et le cognitivo-comportementalisme. La nouvelle définition de travail qu’en a proposé l’OMS au début des années 2000 a entériné l’approche cognitivo-comportementale articulée à l’utilitarisme, en l’inscrivant résolument dans la suite de son concept de santé comme état de bien-être. Ce concept mêle ainsi une dimension épistémologique à une dimension morale et sociale.

Ce travail de recherche se propose d’éclairer les usages contemporains du concept de santé sexuelle en en retraçant la genèse, qui précède de loin son institutionnalisation par l’OMS. Nous remontons ainsi à ses premières occurrences dans la première moitié du XIXe siècle, alors que la santé désigne principalement l’absence de maladies.

Nous adoptons une méthode d’épistémologie historique, avec un travail sur les textes de l’époque dans le champ médical anglo-américain et dans celui du continent européen. S’il est courant de mettre en question les concepts du champ médical et de celui de la santé, en particulier ceux touchant la sexualité, à partir d’un regard social qui met en évidence leur dimension normative et de biopouvoir, le présent travail se propose d’étudier le concept de santé sexuelle en menant une analyse interne aux champs dans lesquels le concept a été forgé et déployé. Sans contester la pertinence de l’abord socio-politique, le choix méthodologique qui fait droit à sa rationalité interne permet de mieux souligner ce qu’il peut y avoir d’irréductiblement normatif dans le concept de santé sexuelle.

Ce dernier est donc analysé à l’aune du modèle scientifique dans lequel il émerge, à savoir la physiologie hygiéniste vitaliste. Cette genèse va dessiner son histoire jusqu’à aujourd’hui, alors que s’opposent une sexologie qui en fait son objet, et une médecine sexuelle mécaniciste qui s’y réfère aussi. L’histoire des épistémologies de la biologie éclaire non seulement la genèse et les usages du concept de santé sexuelle, mais aussi ses rapports au domaine de la pathologie sexuelle. Les oppositions de modèles épistémologiques se traduisent par des approches thérapeutiques différentes, sinon adverses, pour la conception et la prise en charge des problèmes sexuels. Ne se réduisant pas à l’absence de maladies sexuelles, la santé sexuelle selon l’OMS, holistique, entend recouvrir également le mental et le social, dans une démarche préventive et éducative en santé publique. Ce dernier point en souligne en outre la charge éthique, dans une optique eudémonique, que lui ont conféré dès le XIXe siècle ses usages hygiénistes.

Ce travail permet ainsi à la fois : 1) de resituer le concept de santé sexuelle dans une histoire plus longue que celle qui la fait habituellement débuter après la Deuxième Guerre mondiale ; 2) d’enrichir l’historiographie de la sexologie, pour laquelle le concept de santé sexuelle est devenu majeur au XXIe siècle ; 3) d’interroger l’histoire de la sexualité telle que développée par Michel Foucault ; 4) d’éclairer les rapports du normal et du pathologique qui sont en jeu dans le concept de santé sexuelle et dans les controverses entre la psychodynamique et le cognitivo-comportementalisme ; 5) d’interroger l’idée selon laquelle les usages contemporains de ce concept participeraient de la médicalisation de la sexualité.

Anglais

The concept of sexual health was institutionalized by the World Health Organization (WHO) in the 1970s, when controversies between psychoanalysis and cognitive-behaviourism were growing. The new working definition proposed by the WHO in the early 2000s endorsed the cognitive-behavioural approach articulated to utilitarianism, by firmly embedding it in the continuation of its concept of health as a state of well-being. This concept thus combines an epistemological dimension with a moral and social dimension.

This research work aims to shed light on the contemporary uses of the concept of sexual health by tracing its genesis, which far precedes its institutionalization by the WHO. We thus go back to its first occurrences in the first half of the 19th century, when health refers mainly to the absence of disease.

We adopt a method of historical epistemology, with work on the texts of the time in the Anglo-American medical field and in the field of medicine on the European continent. While it is common to question the concepts of the medical and health fields, particularly those related to sexuality, from a social perspective that highlights their normative and biopower dimensions, this work aims to study the concept of sexual health by conducting an internal analysis of the fields in which the concept has been forged and deployed. Without contesting the relevance of the socio-political approach, the methodological choice that acknowledges its internal rationality makes it possible to better emphasize what can be irreducibly normative in the concept of sexual health.

The latter is therefore analysed according to the scientific model in which it emerges, namely vitalist hygienist physiology. This genesis will shape its history until today, while a sexology that makes it its object, and a mechanistic sexual medicine that also refers to it, are in opposition. The history of biological epistemologies sheds light not only on the genesis and uses of the concept of sexual health, but also on its relationship to the field of sexual pathology.  The opposition of epistemological models results in different, if not adverse, therapeutic approaches to the conception and treatment of sexual problems. According to the WHO, sexual health is not reduced to the absence of sexual diseases, but is holistic and aims to cover the mental and social aspects as well, in a preventive and educational approach in the area of public health. This last point also underlines the ethical burden, from an eudemonic perspective, conferred on it by its hygienic uses since the 19th century.

This work thus allows at the same time: 1) to place the concept of sexual health in a longer history than that which usually begins after the Second World War; 2) to enrich the historiography of sexology, for which the concept of sexual health has become major in the 21st century; 3) to question the history of sexuality as developed by Michel Foucault; 4) to shed light on the relationships between the normal and the pathological that are at stake in the concept of sexual health and in the controversies between psychodynamics and cognitive-behaviourism; 5) to examine the idea that contemporary uses of this concept would contribute to the medicalization of sexuality.

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