L’accompagnement par les pairs

L’accompagnement par les pairs

L’ accompagnement par les pairs semble aujourd’hui connaître un tournant politique. Par Eve Gardien, Maitre de Conférence en Sociologie, Université Rennes 2, ESO (UMR 6590).

L’organisation d’une solidarité par et pour les pairs a probablement toujours existé. Cette entraide entre personnes handicapées ayant vécu ou vivant encore des situations et des épreuves similaires, a évolué dans ses formes et ses pratiques au gré des époques, des territoires et des cultures, en fonction des expériences traversées. Aujourd’hui existe une pluralité de figures et d’appellations dans l’ accompagnement par les pairs-aidants, pairémulateur, médiateur santé pair, travailleur pair, facilitateur pair, etc.

Plusieurs éléments fondent l’unité de cet ensemble de pratiques. Tout d’abord, l’entraide entre pairs repose sur un constat : l’action d’un seul ne suffit pas toujours à dépasser une situation difficile ou à résoudre un problème récurrent. C’est pourquoi l’aide d’autrui est nécessaire, plus encore celle du pair ayant de l’expérience.

Deuxièmement, l’ accompagnement par les pairs est tout autant utile à autrui qu’à soi-même. C’est pourquoi De Jongh (1954) souligne que le self-help est à la fois aide pour soi et aide pour autrui. Cette solidarité réciproque correspond aux deux facettes d’une même dynamique : un individu ayant besoin du soutien d’autrui pour se venir en aide, la réciproque étant vraie pour ses pairs.

Enfin, ils partagent des ressources, des repères et des savoirs qu’ils ont appris ou construits sur la base de leur expérience du handicap, de la maladie chronique ou des troubles de la santé mentale. Cette mise en commun peut se révéler d’une grande richesse.

L’entraide est au cœur de la vie ordinaire. Elle fait partie de ces liens sociaux qui fondent et perpétuent les collectifs et les sociétés : famille, voisinage, amitiés et citoyenneté, autant de formes de liens sociaux nous permettant de vivre ensemble. Mais l’accompagnement et le soutien entre pairs, s’ils sont également une forme de solidarité, ne peuvent être confondus avec celle spontanée qui peut exister entre proches. Pourquoi ? Parce que cette entraide est fondée sur la reconnaissance subjective d’un autre vivant une épreuve semblable à celle que l’on vit ou que l’on a traversé. Peu importe que cet autre soit un proche ou non, qu’il soit préalablement connu ou pas. Seul le fait de vivre ou d’avoir vécu des situations semblables importe.

Les réseaux et les collectifs organisant l’entraide entre pairs au regard d’expériences de vie sont d’une grande variété. Parmi les pionniers du genre se trouvent les alcooliques anonymes et les narcotiques anonymes. Plus récemment se sont développés les Groupes d’Entraide Mutuelle (GEM). Moins connus mais au moins aussi intéressants, les groupes d’entendeurs de voix œuvrent en France depuis 2012. À ces groupes de soutien entre pairs, il faut ajouter les relations interpersonnelles d’accompagnement entre pairs. Cette autre forme de solidarité entre pairs s’organise selon une modalité davantage duelle, en face-à-face, par téléphone ou sur Internet. Les épreuves ou les situations qui réunissent les uns et les autres en une collection de pairs représente un large champ : l’hypersensibilité, l’addiction aux jeux, les abus sexuels, le célibat non choisi, les violences domestiques, les difficultés scolaires, la dépression post-partum, le cancer, l’infertilité, etc., etc. Les expériences liées au handicap, aux maladies chroniques ou aux troubles de la santé mentale ne sont pas seules concernées.

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