Pourquoi les adultes autistes ont besoin d’une éducation sexuelle

Pourquoi les adultes autistes ont besoin d’une éducation sexuelle

Source : 20 mars 2020 par Jean Vinçot, sur son Blog Médiapart : Le blog de Jean Vinçot / spectrumnews.org Traduction de “Why adults with autism need sex education“par Liana Marks / 13 mars 2020

Liana Marks explique les besoins des adultes autistes en matière d’éducation sexuelle et sa pratique enseignante en la matière.

Que doivent savoir les adultes autistes en matière de sexualité ? Tout. Comme tout le monde.

Comme je l’ai découvert au cours de ma carrière, l’absence d’une éducation sexuelle approfondie peut les empêcher de nouer des relations amoureuses épanouissantes et faire d’eux des cibles d’abus.

Je suis professeure dans une organisation à but non lucratif de l’ouest du Massachusetts qui s’occupe d’enfants et d’adultes autistes ou handicapés mentaux. Je travaille souvent avec des adultes qui suivent un cours d’éducation sexuelle pour la première fois. Mes étudiants sont de sexe différent – bien que souvent plus d’hommes que de femmes – le diagnostic et l’âge allant de 18 à 50 ans.

Au cours des quatre dernières années, mes collègues et moi-même avons rédigé un programme d’éducation sexuelle basé sur des données probantes pour ces étudiants. Nous avons acquis une solide connaissance de ce qui manque aux adultes du spectre en termes d’éducation sexuelle – et aussi de ce qu’ils veulent désespérément savoir.

Ils veulent tout savoir : de la façon de se faire un ami platonique au bon moment pour une demande en mariage.

Parfois, mes élèves explosent d’excitation et d’un désir sincère de parler de sujets dont on leur a longtemps dit qu’ils étaient hors limites. D’autres fois, ils sont remplis d’inquiétude, craignant de faire quelque chose de mal s’ils parlent de sexe ou même s’ils prononcent les mots “pénis” ou “vagin”.

Ces réactions à l’éducation sexuelle ne sont pas surprenantes, ni même inhabituelles si l’on considère que beaucoup de mes étudiants font partie d’un groupe particulièrement mal desservi : aux États-Unis, 84 % des personnes souffrant de handicaps intellectuels modérés à graves ne reçoivent aucune éducation sexuelle [ Barnard-Brak L. et al. Intellect. Dev. Disabil.52, 85-97 (2014) PubMed]

Ce manque de connaissances a des conséquences négatives, notamment des comportements sexuels inappropriés ou dangereux et une faible estime de soi [ Gonzálvez C. et al.Sex. Disabil.36, 331-347 (2018) Abstract ].

Les personnes souffrant d’un handicap intellectuel sont également sept fois plus susceptibles que les personnes ordinaires de subir des abus sexuels. Et sans une information correcte sur la sexualité, les adultes autistes et déficients intellectuels peuvent également mettre d’autres personnes en danger.

Enseigner les limites

Jusqu’à il y a dix ans, de nombreux experts ne considéraient pas l’idée que les personnes autistes ou handicapées intellectuelles voulaient des relations romantiques ou sexuelles. Mais ces intérêts sont clairement exprimés dans les notes insérées dans la boîte à questions anonymes au fond de ma classe : Qu’est-ce que l’intimité ? Qu’est-ce qu’un béguin ? Comment puis-je savoir si quelqu’un m’aime bien s’il est gentil avec moi ? Quand dois-je demander à ma petite amie de m’épouser ? Qu’est-ce que le sexe ? Comment me faire un ami ?

Repensez à l’école primaire ou au collège et posez-vous la question : Comment saviez-vous que quelqu’un flirtait avec vous ? Pourriez-vous faire des suppositions éclairées sur ce qu’ils pensaient ou ressentaient ? Comment saviez-vous que vous aviez le béguin pour quelqu’un ?

Ces sujets peuvent être délicats pour tout le monde, mais pour les personnes autistes ou handicapées mentales – qui ont souvent des difficultés de communication sociale – ils sont particulièrement difficiles. C’est pour cette raison que nos cours sont adaptés aux élèves, et qu’ils changent pour refléter ce que chaque élève veut et doit apprendre chaque jour.

Notre programme de base vise à décomposer les sujets que les adultes neurotypiques peuvent considérer comme allant de soi – flirt, rencontres, lecture du langage corporel, distinction entre lieux et sujets publics et privés, émotions, relations entre collègues de travail, soins personnels et concepts abstraits tels que l’amour et l’intimité.

Par exemple, au lieu de sauter directement à l’idée d’aller à un rendez-vous, nous le décomposons en étapes. D’abord l’attraction, puis les sentiments, puis la connaissance de quelqu’un. Si cela se passe bien, ils envisageront d’inviter l’autre personne à un rendez-vous. Une fois qu’un élève a un rendez-vous, la leçon porte davantage sur ce à quoi ressemblent les relations saines.

Nous nous concentrons sur la façon de créer la confiance, le respect, le soutien et la communication, et sur la fixation de limites. Savoir comment fonctionne une bonne communication entre amis peut aider les élèves à communiquer plus tard avec un partenaire romantique. Savoir ce qu’est la confiance entre les membres d’une famille peut les aider à repérer les problèmes dans les relations amoureuses.

Pour nous tous, y compris les adultes autistes, l’éducation sexuelle ne doit pas se limiter à la mécanique du sexe. Elle doit porter sur les relations avec les autres et avec soi-même, sur les relations sexuelles protégées, le consentement et l’autonomie corporelle.

Les adultes autistes ou handicapés mentaux ont besoin de lieux sûrs pour poser des questions honnêtes sur tous ces aspects – sans honte. J’espère que le travail que nous faisons pourra devenir la norme. En attendant, je veillerai à ce que la porte de ma classe soit toujours ouverte à tous ceux qui le souhaitent.

Liana Marks donne des cours de sexualité pour adultes à Milestones, une organisation à but non lucratif de Northampton, dans le Massachusetts.

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